Boulogne Billancourt avait une drôle d’histoire : abritant au cours des siècles des populations variées puis entachée par la seconde guerre mondiale pour être récupérée par l’industrialisation.
D’un site ouvrier elle était passée à un fief bourgeois en mettant de côté sa brève conquête aristocratique.

C’est là qu’après la Goutte d’Or, son père avait décidé de s’installer,
son côté maso sans doute …
Eugène encore sonné par les événements, n’attendait pas grand-chose de ce nouvel environnement.

Il n’aurait pu plus se tromper.

Le style avant-gardiste de leur maison aurait pu être dessiné par le destin d’Eugène

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Habiter Avenue de la Reine semblait également prémonitoire pour la future « Bande à Dumas ».
Philippe, Gaston, Victor et Marcel avaient fait la connaissance d’Eugène à l’école : en se regardant en chiens de faïence pour se défier avec coups de claques dans le dos lorsque le pari avait été tenu. Ils réalisèrent ensuite qu’ils avaient le bonheur d’être voisins : autant de jeux et de mauvaises blagues en perspective.

L’école des garçons rue de Clamart était proche de celle des filles, rue du Vieux-pont-de-Sèvres ; les deux bâtiments construits à l’identique permettaient aux garçons comme aux filles de jouer sur la confusion pour se croiser voire se retrouver. Partagée par les deux bâtisses la cour d’école avait été, sous haute surveillance, le lieu propice au développement des liens entre sexes opposés.

C’est ainsi qu’Eugène fit la connaissance de Cat.

En ce jour de rentrée une petite fille en consolait une autre. Celle qui pleurait retardait le moment de pénétrer dans sa classe. Eugène s’était rapproché pour écouter l’échange.

- Tu verras ça se passera bien. On aura plein de camarades et les maîtresses seront gentilles …

Eugène en croisa les doigts dans son dos. Il redoutait pareillement ce premier contact.

Au fil des semaines le garçon avait vu se métamorphoser les deux protagonistes : l’éplorée devenait un chef de file tandis que la consolatrice s’isolait inexorablement.
L’année suivante c’est elle qui avait pleuré sans que quiconque, pas même celle qu’elle avait aidée, ne vienne la soutenir.

Il était allé vers elle, lui avait demandé son prénom - Cat - et lui avait demandé pourquoi ce chagrin tardif.

Elle lui avait répondu :
- parce que cette année je sais à quoi m’attendre.

Ce fut la première intervention d’Eugène.

Et Cat fut sauvée.

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