Pour une pantoufle envolée

La grâce est un don offert à peu d'entre nous, elle peut s'incarner dans un mot, un être ou un geste.

Ici c'est dans l'esprit.

La main qui délicatement oublie de se tenir à la corde, le pied dénudé d'une Cendrillon dont la pantoufle pourrait se briser ou encore jupons et dentelles mutinant les airs. Le regard capte soudain le galbe d'une jambe et la taille si fine qui se plie à l'élan de la balancelle dont on oublie presque l'initiateur que l'ombre dissimule. 

Saupoudrée d'or et de rosée la jeune femme sourit à peine, frémit-elle de peur ou de plaisir ? Est-ce seulement l'ombre du chapeau qui teinte ses joues  ? Crémeuse et toute en douceur, elle invite à la gourmandise.

Les deux chérubins dessous, par contre, semblent craindre pour elle une chute, à moins que ce ne soit le regard bien audacieux de l'homme à terre sans doute volontaire pour se faire renverser.

Cupidon invite au silence sur son socle de pierre : ce doigt sur la bouche s'adresse-t-il à la dame ? Aux anges qui ne doivent pas effrayer l'héroïne ? Ou au Temps qui façonne le regard du spectateur selon l'époque à laquelle il appartient ?

Le reste du décor importe moins excepté dans sa façon de foisonner autour des protagonistes.

Si - comme il se l'est murmuré - l'intention était coquine ...

La grâce est celle du peintre.

Ô Combien aurais-je aimé être Fragonard pour avoir peint "Les Hasards heureux
de l'escarpolette" !